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La vie nous appelle (Bonaventure)

3. "Venez à moi
vous tous
qui prenez de la peine et qui êtes chargés
et je vous soulagerai"
[Mt. 11,28].

De quoi as-tu besoin Seigneur ?
Pourquoi nous appelles-tu ?
Qu’as-tu de commun avec nous ?

"Venez à moi, dit-il, et je vous soulagerai" [Mt. 11,28]

Ô la vraie parole d’affection ,
la merveilleuse bienveillance
et l’ineffable charité de notre Dieu !
Qui a jamais rien fait de tel ?
Qui a jamais ouï ou vu rien de semblable [Is. 66,8] ?
Voici :
il invite des ennemis,
encourage des coupables,
attire des ingrats.

Il dit :
"Venez tous à moi…
apprenez de moi …
prenez sur vous mon joug
et vous trouverez le repos pour vos âmes"
[Mt. 11,29].

Ô paroles
si douces,
si suaves,
si divines,
"plus pénétrantes qu’un glaive à double tranchant,
qui mettez à nu nos sentiment intimes
et remplissez d’une immense douceur,
en atteignant jusqu’à la division de l’âme et du corps [Heb. 4,12] !

Éveille-toi,
Âme chrétienne
attirée par
la bonté d’un tel amour,
la douceur d’une telle saveur
et la suavité d’une telle douceur.

Vraiment,
qui demeure insensible à tout cela,
est malade,
a perdu le sens
et est proche de la mort.
Je t’en prie, mon âme,
que la miséricorde et la mansuétude de ton Dieu,
que l’amour de ton époux bien-aimé
t’enflamme,
te dilate
et te comble de douceur !
Brûle d’ardeur,
déborde d’amour,
fonds de douceur !
Que personne ne t’empêche
d’entrer,
de posséder,
de goûter.

4. Que chercher, attendre et désirer de plus !
En ce bien unique, nous les avons tous.
Ô l’étonnante folie, la misérable maladie, le détestable délire !
Dieu nous appelle au repos et nous poursuivons le travail ;
Il nous invite au soulagement et nous cherchons la souffrance ;
Il nous promet la joie et nous désirons la tristesse.
Triste faiblesse, égarement lamentable !
Nous voici presque transformés en êtres insensibles, inférieurs aux idoles :
nous avons des yeux et ne voyons pas,
des oreilles et n’entendons pas,
une raison et ne discernons pas [cf. Ps. 113,5] ;
nous prenons ce qui est amer pour ce qui est doux
et ce qui est doux pour ce qui est amer [Is. 5, 20].

5. Oh Dieu !
D’où nous viendra la réparation d’une telle offense ?
Impossible de trouver rien de tel chez nous, sauf si tu nous en fais le don !
Toi seul peux nous corriger,
toi seul peux réparer nos fautes,
toi seul sais de quoi nous sommes faits [Ps. 102, 14],
toi seul es notre salut et notre rédemption,
toi qui accomplis cela, en ceux-là seuls
qui se voient au fond de la misère
et croient fermement que tu es le seul qui puisse les relever.

6. Élevons les yeux de l’âme vers Dieu
et voyons en quelle profondeur nous sommes tombés
[Jer. 3,2] !
Car celui qui ignore sa propre chute n’a nul souci de se relever ?
C’est donc du fond de l’abîme que nous crions de toutes nos forces vers le Seigneur [Ps. 129,1]
afin qu’il étende sur nous la main secourable de sa miséricorde,
qui ne peut se révéler trop courte quand il s’agit de sauver [cf. Is. 50,2 ; 59,1] .
Je t’en prie, ne perdons pas cette confiance qui a une grande récompense [Heb. 10,35].
Allons donc avec confiance au trône de sa grâce [Heb. 4, 16],
afin d’obtenir au terme de notre foi le salut de nos âmes [1Pe. 1,9].
Ne tardons pas !
Car déjà la vie nous appelle,
le salut nous attend
et la tribulation nous presse d’entrer.
Que faisons-nous
Pourquoi cette paresse et tous ces retards ?
Pressons-nous d’entrer dans le repos [Heb. 4,11] du bonheur éternel
où se trouvent, ces grandeurs, mystères et merveilles sans nombre [Job 5,9].
Que Jérusalem monte dans notre cœur [Jer. 51,50],
soupirons après notre patrie,
dressons nous vers notre Mère [Gal. 4,26] ;
Entrons dans les puissances du Seigneur [Ps. 70,16] ;
apercevons notre doux Roi régnant sur elle
et que nos cœurs fondent à la vue de sa compassion.

7. De tout cœur, rendons grâce
à celui
qui ne considère pas le manque qu’est notre ingratitude,
qui n’a pas retiré de nous la bonté de sa miséricorde,
qui nous a donné le désir de courir dans la voie de ses commandements [Ps. 118,32],
où l’on ne peut courir sans désir.
Don qu’il ne faut pas tenir pour négligeable,
mais dont il faut avoir grande estime,
puisque le plus éminent des prophètes assure qu’il l’a désiré :
Mon âme a désiré ardemment vos justifications en tout temps [Ps. 118,20].
Mais comme ce désir baisse
à cause de la trop grande tiédeur de notre incurie et négligence,
j’ai pensé noter quelque remarques incitatives
qui font voir
ce qui est à fuir et à suivre.
Si on les contemple effectivement avec quelque affection chaque jour,
après avoir rapidement retrouvé la vigueur,
on grandit tellement et sans fatigue dans la divine charité
par les vertus et les grâces
jusqu’à ce que vienne le désir des collines éternelles [Gen. 49,26].

Bonaventure : Epistola de xxv memorialibus, [VIII,491- 492]