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Auguste PERRET, architecte des Capucins

Exposition jusqu’au 19 février au palais d’Iéna, à Paris

C’est l’occasion de faire mémoire d’une autre réalisation, beaucoup moins connue, du premier maître du béton armé : la Chapelle du couvent des Capucins de Tours

Fondé en 1601, le couvent des capucins de Tours était situé en face de la ville, sur les pentes du coteau de la rive droite de la Loire. Il a disparu à la Révolution, mais à l’extrême fin du XIXe siècle, les capucins font construire un nouveau couvent, toujours rive droite, non loin de leur première implantation. Les religieux ont à peine le temps de se familiariser avec leur nouvelle demeure, que, sous le coup des lois visant les congrégations religieuses, ils doivent quitter les lieux en 1903.

Grâce à Dieu, les religieux récupèrent leurs bâtiments en 1921, et après une visite de leur ministre général (1928), ils en font un couvent d’études pour les deux années de théologie dogmatique. Commence alors une période de vie intense pour le couvent : les jeunes frères étudiants sont nombreux à y faire profession, tandis que leurs aînés sont absorbés par les tâches du ministère (retraites et prédications). Seul point noir, le couvent ne dispose que d’une chapelle provisoire. Le père Ange, le gardien du couvent, s’en désole, et en 1929, le définitoire de la province décide la construction d’une chapelle digne de ce nom. C’est ici qu’entrent en scène les frères Perret.

Perret et l’architecture religieuse

Architecte majeur du XXe siècle, Auguste Perret s’était associé en 1905 avec ses deux frères cadets, Gustave et Claude, pour fonder une structure originale de conception et de production, relevant à la fois de l’agence d’architecture et de l’entreprise de bâtiment. Tout au long de leur carrière, les frères Perret ont travaillé à améliorer les performances architecturales d’un matériau neuf à l’époque, le béton armé. Très tôt intéressés par l’architecture religieuse, ils donnent toute la mesure de leur talent dans les années 22-23 avec l’église Notre-Dame de Consolation du Raincy, « la sainte Chapelle du béton armé ». Le retentissement de cette église est immense, non seulement en France mais dans le monde entier, et il n’est donc pas étonnant que les capucins puissent faire appel aux frères Perret pour la construction de leur chapelle.

Les annales du couvent de Tours permettent de suivre pas à pas l’avancement du projet : début 1930, le plan définitif est arrêté et le 1er mai de la même année, c’est le premier coup de pioche. « La Providence permet que nous ayons une équipe d’ouvriers actifs, intelligents, d’une tenue parfaite, sous la direction d’un contremaître dont la valeur est reconnue de tous ». Pour réunir les 337 500 Fr nécessaires, les capucins mobilisent leurs réseaux : les tertiaires tourangeaux, mais aussi ceux de Laval et du Pouliguen font partie des généreux donateurs.

Une lumineuse austérité

Les travaux avancent rapidement et un an plus tard, le 14 mai 1931, la bénédiction de la chapelle donne lieu à d’imposantes festivités. Les frères Perret « ont été empêchés de venir au dernier moment » (peut-être sont-ils en réalité mécontents de ce que la nef ait été amputée d’une travée par rapport au plan initial), mais le père Ange leur rend un vibrant hommage au cours du repas de fête qui suit la cérémonie : « notre reconnaissance, elle va à nos architectes distingués dont le nom vient au premier rang parmi les maîtres dans le travail et l’architecture du ciment armé. Dans la réalisation de cette œuvre, ils ont apporté non seulement toute la science d’un art, dont ils ont été les initiateurs, mais nous témoignant un intérêt et une sympathie profonde, ils ont voulu donner à leurs œuvres religieuses la note spéciale de notre vie franciscaine, l’austérité dans la joie. La joie, n’est-ce pas là ce que nous inspirent ces flots de lumière qui pénètrent avec les teintes adoucies et variées à travers les larges baies de l’édifice. La joie et la confiance, n’est-ce pas l’impression de l’âme en contemplant ces colonnes si sveltes qui supportent la voûte ; et en même temps l’austérité, c’est bien ce qui convenait dans une chapelle franciscaine. Ici la rectitude et la sévérité des lignes portent au recueillement et à la prière ».

« Le plus beau couvent de notre province »

L’enthousiasme du père Ange semble partagé par ses frères. En 1934, on lit dans les annales que « notre couvent est devenu peut-être le plus beau de notre province ». La chapelle se compose d’une nef soutenue par de fins piliers de béton, et d’un chœur liturgique un peu plus étroit, éclairé par un lanterneau. Contrairement à l’ancienne tradition capucine, le chœur des religieux n’est pas situé derrière le maître-autel, mais il s’ouvre à angle droit par rapport à la nef. Les célèbres « claustras » des frères Perret – ces murs de béton ajourés – laissent abondamment passer la lumière. On notera en particulier le beau carré de la façade où se dessine une croix.

Des générations de religieux se sont succédé dans cette chapelle : certains, toujours bien vivants, ont le souvenir « d’y avoir souvent prié ». C’est bien là l’essentiel ! Dans les années 70, les capucins, moins nombreux, ont fait construire un nouveau couvent sur une partie de la propriété et ils ont cédé l’ancien à un institut médico-pédagogique. Le promeneur peut toujours apercevoir de la rue de la Pierre, la façade de la chapelle, avec le grand carré de claustras surmonté des traditionnelles conformités.

Pierre MORACCHINI

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